Onze pays de l’Union européenne utilisent déjà les technologies de reconnaissance faciale, comme le révèle un rapport coécrit par cinq chercheurs et commandé par les eurodéputés Verts. La France en particulier se détache du lot, notamment avec ses « safe city ». Face à ces expérimentations, les chercheurs recommandent un encadrement juridique.

Une technologie qui se déploie en Europe.

Les technologies d'identification biométrique à distance (« remote biometric identification ») se démocratisent en Europe, d'après une étude menée par cinq universitaires. Celle-ci a été commandée par les Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE), l'un des groupes politiques qui siège au Parlement européen.

Pour rappel, la reconnaissance faciale est un procédé qui permet de faire correspondre un visage humain à une image numérique, via le biais de scans et de caméras de vidéosurveillance par exemple. On se souvient par exemple des caméras de surveillance parlantes de Lunel qui interpellaient les contrevenants, ou encore du concert-test d’Indochine.

Si la reconnaissance faciale est principalement utilisée à titre expérimental et à des fins judiciaires, l'objectif de ces travaux est de proposer une vision globale de l'utilisation de la reconnaissance au sein de l'Union européenne. Les chercheurs se sont particulièrement intéressés au risque que ces dispositifs deviennent des outils de surveillance de masse.

De plus en plus de pays européens concernés

Onze pays de l'Union européenne disposent déjà d'un système de reconnaissance faciale, dont la plupart est utilisée à des fins judiciaires. On compte ainsi la France, l'Autriche, la Finlande, l'Allemagne, la Hongrie, la Grèce, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovénie et les Pays-Bas.

La Croatie, Chypre, la République tchèque, l’Estonie, le Portugal, la Roumanie, l’Espagne et la Suède devraient également bientôt suivre leurs voisins. La Pologne, le Portugal, le Danemark, la Bulgarie, la Slovaquie et la Belgique en revanche n'auraient aucun projet en cours.

reconnaissance faciale en UE
Du plus foncé au plus clair : présence de la reconnaissance faciale dans les pays européens.

La France et ses « safe city »

La France est particulièrement en avance avec son projet de « safe city » (soi les villes sûres) telles que Paris, Valenciennes, Marseille mais surtout Nice qui, sous la direction de Christian Estrosi, a déployé plus de 1 962 caméras depuis 2010. La ville est donc un véritable leader national en termes d’expérimentations.

Le premier test a été mené du 16 février au 2 mars 2019 lors du Carnaval de Nice afin d’évaluer la pertinence et la fiabilité du logiciel développé par l’entreprise israélienne Anyvision. Lors de cette expérience, les visages recueillis grâce aux images de vidéosurveillance des personnes assistant au carnaval ont été associés à un ensemble de bases de données fictif afin de reconnaître une personne recherchée. Pour cela, 50 bénévoles avaient été recrutés pour constituer la base de données et les passants, informés du test en cours, portaient un bracelet s’ils acceptaient d’être filmés.

Nice a également voulu tester la reconnaissance faciale à l'entrée du lycée Les Eucalyptus avec l'installation d'un "portique virtuel de sécurité". Les élèves devaient passer par un portique composé d'un lecteur et d'une caméra grâce à un badge ou un QR code. Le dispositif devait alors capter le visage de l'élève pour le comparer au profil numérique contenu dans le badge ou le QR code. Cependant, l’expérience n’a jamais vu le jour car elle a été annulée par le tribunal de Marseille.

Un cadre juridique flou

Face à la multiplication de ces expériences au sein de l’UE, les chercheurs craignent une surveillance de masse qui serait utilisée sans le consentement de la personne. Cela exclut donc des expérimentations comme le déverrouillage d’un smartphone grâce à son visage par exemple. Les chercheurs recommandent une interdiction du « déploiement à la fois aveugle et “ciblé” de l’identification biométrique à distance dans les espaces publics » et appellent à instaurer un cadre juridique clair autour de l'utilisation de cette technologie.